Valorisation de la littérature par l’invitation d’auteurs en résidence, entretiens, lectures à hautes voix, lectures musicales et ateliers…

Mur Méditerrannée

Chochana n’avait pas de réponse à toutes ces questions qui lui colonisèrent l’esprit, le temps d’une chanson. Des questions portées par la mélodie de Verdi et les vers du poète Temistocle Solera. Alors que chaque passe d’armes entre le chalutier et la Méditerrannée l’éloignait davantage de son pays natal, et des cendres d’une histoire d’amour dont elle eut trop souvent le sentiment désagréable d’avoir été l’unique protagoniste. À telle enseigne qu’elle se demandait parfois si elle l’avait vécue ou rêvée.
(…)
Au fait, quel jour, quelle date on était ? Elle aurait été incapable de le dire. Elle saurait à l’arrivée, pensa-t-elle. Quand elle aurait enfin échappé aux griffes des passeurs. Elle remettrait alors l’horloge de sa vie à l’endroit. Bien sûr, elle ne pourrait pas rattraper les jours, les semaines, les mois perdus dans la quête d’un lendemain meilleur. Mais elle se promit d’en profiter, de faire une de ces javas. Dans cette attente, elle était déterminée à avancer, comme le bateau. A regarder droit devant elle. Elle se laissa aspirer par le rayon de lune qui traversait l’écoutille et les particules de poussière pour venir l’envelopper de son jet lumineux. Tiède, rassurant. Tandis que le chalutier poursuivait son chemin vers cet ailleurs dont elle n’avait cessé de rêver et dont, espérait-elle, elle n’était qu’à la dernière étape avant l’Europe. Avant une terre ferme où ancrer enfin sa jeunesse.