Valorisation de la littérature par l’invitation d’auteurs en résidence, entretiens, lectures à hautes voix, lectures musicales et ateliers…

Tibi la blanche

– Je vais à Marseille ?
De Marseille, elle sait juste que c’était la ville de son grand-père Kissima. Il y avait travaillé plus de trente ans, comme cuisinier sur les bateaux de la Transatlantique. Chez lui, y avait des cartes postales du Vieux-port sur le grand buffet noir du salon. Sur la fin de sa vie, il parlait presque tous les jours de Marseille, en boucle : « Marseille, c’est pas la France, au nom de Dieu ! Les Marseillais, c’est pas des Français ! » Et il avait toujours le regard un peu mouillé. On savait plus si c’était parce qu’il avait l’œil des vieux ou s’il avait envie de pleurer. Il revenait juste pour les vacances, au Sénégal, où il avait laissé femme et enfants, puis il repartait travailler toute l’année sur les bateaux. À l’âge de la retraite, il a quitté le cours Belsunce et son petit appartement de la rue Thubaneau. Entre les filles de joie et le café de Momo où il buvait son expresso avec son ami l’écrivain et réalisateur Ousmane Sembène. Une vie cassé trois fois. Comme le riz.