Valorisation de la littérature par l’invitation d’auteurs en résidence, entretiens, lectures à hautes voix, lectures musicales et ateliers…

Thésée, sa vie nouvelle

maintenant tout tombe et la vie est maudite

je comprends que l’existence à partir de là sera coupée en deux ; et peut-être le savais-je depuis le commencement ? peut-être y a-t-il une cohérence de tout ce qui a lieu ? il va falloir tenir, à la suite de l’aîné, porter ça, cette scène ; le frère qui n’est plus ; désormais, être le seul restant ; et les jours passent ; les visites de la famille, des amis s’organisent ; on vient saluer la mère ; certains, gênés, arrivent à la prendre dans leurs bras ; mais, dans l’ensemble, c’est une mort qui sépare ; on sent que rien ne sera réparé ; déjà des paroles, loin du père et de la mère, tentent de fixer un récit pour éviter que le corps dérange ; il n’allait pas bien depuis des années, il était malade, voilà ce qui se raconte, ce que l’on veut croire ; la famille cherche un récit pour éviter que le suicidé contamine la vie ; elle fait de cette histoire une tragédie personnelle, « un choix libre » ; ce mythe endurant qui se dresse tel un mur autour de ce qui tremble pour que l’ordre demeure ; car la corde qui lie les âges et les mémoires, le passé et l’avenir, nul ne veut la laisser remonter jusqu’à soi ; le récit – il était malade, ça faisait des années qu’il n’allait pas bien – est ce par quoi on tranche entre soi et ça…