Valorisation de la littérature par l’invitation d’auteurs en résidence, entretiens, lectures à hautes voix, lectures musicales et ateliers…
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Est-ce qu’elle a oublié d’où elle vient ?
Quand Mohamed dit ces mots, il parle de l’Algérie. Il en veut aux sœurs de Naïma et à leurs cousines d’avoir oublié un pays qu’elles n’ont jamais connu. Et lui non plus, d’ailleurs, puisqu’il est né dans la cité du Pont-Féron. Qu’est-ce qu’il y a à oublier ? Bien sûr, si j’écrivais l’histoire de Naïma, ça ne commencerait pas par l’Algérie. Elle naît en Normandie. C’est de ça qu’il faudrait parler. Des quatre filles de Hamid et Clarisse qui jouent dans le jardin. Des rues d’Alençon. Des vacances dans le Cotentin. Pourtant, si l’on croit Naïma, l’Algérie a toujours été là, quelque part. C’était une somme de composantes : son prénom, sa peau brune, ses cheveux noirs, les dimanches chez Yema. Ça, c’est une Algérie qu’elle n’a jamais pu oublier puisqu’elle la portait en elle et sur son visage. Si quelqu’un lui disait que ce dont elle parle n’est en rien l’Algérie, que ce sont des marqueurs d’une immigration maghrébine en France dont elle représente la seconde génération (comme si on n’arrêtait jamais d’immigrer, comme si elle était elle-même en mouvement), mais que l’Algérie est par ailleurs un pays réel, physiquement existant, de l’autre côté de la Méditerranée, Naïma s’arrêterait peut-être un moment et puis elle reconnaîtrait que oui, c’est vrai, l’autre Algérie, le pays, n’a commencé à exister pour elle que bien plus tard, l’année de ses vingt-neuf ans.